tout ce qu'il faut savoir sur l'antimoine

Kermesite ©  Lou Perloff

L’antimoine appartient aux métaux peu abondants mais néanmoins nécessaires aux techniques actuelles.


Nous vous proposons un aperçu de la métallurgie, et des composés de ce métal, une petite visite dans l’histoire de l’Antiquité à nos jours et une autre dans les mines "historiques" françaises puisqu’il n’y en a plus en activité dans notre pays aujourd’hui. Certaines de ces mines sont d'ailleurs inventoriées aux Monuments historiques.
Ordonezite © Lou Perloff


L’antimoine était aussi un métal important en alchimie et en pharmacopée. Mais on s’est aperçu cependant qu’il pouvait être dangereux (cf. différentes maladies professionnelles).


Historique de l'antimoine

L'antimoine était connu chez les Babyloniens et chez les Chinois et pas seulement comme métal, même si l'on a trouvé des objets d'utilisation datant de 4000 avant Jésus-Christ : le sulfure était administré entre autres comme médicament.

La découverte faite par M. Grand d’un fragment de sulfure d’antimoine dans la caverne de Menton, au milieu d'instruments de silex, d’agates et de quartz hyalins, semblerait indiquer qu’il était déjà utilisé dès l’âge de pierre.
Silver and stephanite  © Fabre Minerals


On utilisait du sulfure d'antimoine dans l'Antiquité comme mascara, un colorant pour colorer les cils et les sourcils : « Les Syriens, les Babyloniens les Arabes, les Hébreux et autres nations orientales de l'antiquité faisaient un fréquent usage du sulfure d’antimoine, non comme agent de travail, mais comme objet de toilette ; c’est bien certainement le plus ancien fard dont il soit fait mention dans l’histoire. Job donne à l’une de ses filles le nom de vase d'antimoine ou de boite à mettre du fard. Isaïe dans le dénombrement qu’il fait des parures des filles de Sion, n’oublie pas les aiguilles dont elles se servaient pour peindre leurs paupières, en les trempant dans la poussière noire du minéral en question qu’elles étendaient même jusque sur les sourcils. Ce cercle noir autour des yeux donnait à ceux-ci une expression plus langoureuse, en même temps qu’il les faisait paraître plus grands. La mode en était si bien établie, que Jésabel ayant appris l'arrivée de Jéhu à Samarie, se mit les yeux dans l'antimoine comme disent les Livres saints, c'est-à-dire les peignit avec du fard, avant de se montrer à cet usurpateur dont elle voulait apaiser la colère » (Girardin, 1873).

Verre Antimoine


Pline a décrit la préparation de l'élément antimoine par réduction du minerai avec du charbon et d’autres auteurs le mentionnent : « Cet emploi du sulfure d’antimoine ne finit pas avec les filles de Judée ; il s'étendit et se perpétua partout, les femmes grecques et romaines l’empruntèrent aux Asiatiques, et nous voyons Tertullien et Saint Cyprien déclamer contre cette coutume encore usitée de leur temps en Afrique et qui s’est continuée jusqu'à nos jours ».

C’est de cet usage que le sulfure d’antimoine reçut le nom d’alcool, qu’il porta dès les premiers temps historiques. Le terme alcool, appliqué aujourd'hui en chimie au liquide spiritueux qui constitue l’eau-de-vie, fut d’abord donné au sulfure d’antimoine naturel, si l’on en croit Homerus Pop et Thallinus.

Les Romains l’appelèrent ensuite stibium. Les alchimistes le désignaient sous un grand nombre de dénominations absurdes, telles que othia, alkosol, bélier, saturne des philosophes, fils et gendre de Saturne, etc.  ( Girardin, 1873).

Au Moyen-Age, l'antimoine était mentionné par Paracelsus, comme remède. Des techniques de préparation sont décrites dans "Currus triomphalis antimonii", manuel publié vers 1470 par Basilius Valentinus.

Nicolas Lemery (1645-1715) a écrit sur l'antimoine et les pratiques des alchimistes qui le considéraient comme la matière idéale pour accéder à l'or.

L’antimoine fut longtemps utilisé comme médicament, entre autres pour les maladies parasitaires.

Quelques préparations chimiques du XIXè selon Girardin, (1873) :

-- Extraction de l’antimoine.  On prend du sulfure purifié, on le pulvérise, on le grille dans des fours semblables à ceux qui servent à la conversion du salin en potasse, par charge de 158 kilogrammes au maximum, en ayant soin de rester au-dessous de la chaleur rouge afin d’éviter la fusion du sulfure.

La plus grande partie du soufre se dégage à l'état d’acide sulfureux, avec quelques fumées blanches d’oxyde d’antimoine et d’acide arsénieux, attendu que le minerai, est toujours plus ou moins arsenifère. On remue fréquemment la matière avec un ringard de fer pour activer l’oxydation. L’opération dure environ douze heures. La poudre grise ou un peu rougeâtre qu’on retire du four après son refroidissement est, non de l’oxyde d’antimoine, mais un oxysulfure contenant quelques matières terreuses. On mêle alors celte poudre avec 15 p. 100 de charbon arrosé d’une solution de carbonate de soude et on l’introduit dans des creusets qu’on place sur des banquettes construites des deux côtés intérieurs d’un fourneau de galère. On chauffe jusqu’au rouge vif. On recouvre les creusets d’un couvercle pour prévenir l’oxydation. Le charbon réduit l’oxyde d’antimoine, tandis qu’une partie du sulfure se trouve également réduite par l’action combinée du charbon et du sel de soude. Il se forme en même temps à la surface du bain métallique une scorie constituée par un sulfure double de soude et d’antimoine mélangé d’une quantité variable d’oxysulfure qui a échappé à l’action réductrice et de matières terreuses. Quand la réduction est bien opérée, on coule l’antimoine dans des lingotières en fonte, et on le refond avec un peu de minerai grillé pour le purifier. On obtient alors le métal en masses hémisphériques du poids de 6 à 8 kilogrammes environ recouvertes, à leur surface convexe, de belles cristallisations en étoiles dont les rayons ressemblent à des feuilles de fougère.

-- Préparation du gaz acide sulfydrique : On emploie très fréquemment le sulfure d’antimoine dans les laboratoires pour préparer l’acide sulfhydrique. Pour cela, on le traite par 4 à 5 parties d’acide chlorhydrique dans un appareil convenable. La réaction se comprendra aisément par l’examen de la légende suivante : Sb2S3 + 3HCl ==> Sb2Cl3 + 3 HS.

Le gaz sulfhydrique, entraînant toujours avec lui un peu d’acide chlorhydrique, doit, avant d'être recueilli sur la cuve à mercure, passer dans un flacon laveur qui retient l'acide étranger. En place d’eau, on met dans ce flacon une solution concentrée de polysulfure de sodium ou de potassium.

-- Chlorure d'antimoine : Le résidu de cette opération consiste en chlorure d'antimoine Sb2Cl3, qu'on peut avoir à l'état solide, en concentrant la liqueur et le distillant. Le chlorure se volatilise et vient se figer dans le récipient B en une masse blanche, demi transparente, d’un éclat gras et comme onctueux. C’est cette substance que les alchimistes appelèrent beurre d'antimoine.

C’est un caustique très violent, dont les médecins se servent souvent pour cautériser certaines plates, surtout celles produites par la morsure des animaux enragés ou venimeux. Dans les arts, il est employé pour bronzer les métaux, et notamment le fer ; les armuriers en font fréquemment usage pour donner aux canons de fusil cette teinte jaune brunâtre, appelé improprement bronze. Il est probable qu’elle est due à une couche d’antimoine métallique qui s’applique à la surface du fer, et qui provient de l’action décomposante que ce dernier métal exerce sur le chlorure d’antimoine.

-- Oxychlorure : Ce chlorure ne se dissout dans l’eau qu’autant que celle-ci est très acide et en petite quantité. Cette dissolution donne un beau précipité jaune orangé avec l’acide sulfhydrique ; c’est du sulfure d’antimoine hydraté. Versée dans beaucoup d‘eau, elle produit de suite un précipité blanc abondant, grumelé ressemblant assez au lait caillé. C’est que le chlorure d’antimoine, en décomposant l’eau, donne lieu à la formation d’acide chlorhydrique; et d’un oxychlorure d'antimoine insoluble. La légende suivante vous fera très bien concevoir cette réaction curieuse de l’eau sur le composé binaire dont je parle.

Cette poudre blanche, cet oxychlorure d’antimoine, fut longtemps nommée mercure de vie, poudre d’Agaroth, du nom d’Algarothi, médecin et chimiste italien, qui l’a, le premier, recommandée et employée comme médicament purgatif et émétique.

Sb2Cl3 + 7HO ==> (Sb2Cl2 , Sb2O2, HO) + 6 HCl.

-- Noir de fer : Lorsqu’on plonge une lame de zinc dans la solution légèrement acide du chlorure d’antimoine, on précipite ce dernier métal sous la forme d'une poudre noire. C’est cette poudre, lavée et, séchée qu’on désigne dans le commerce sous le nom de Noir de fer (Eisenschwarz) ; elle est principalement employée pour enduire les objets en plâtre et leur donner un aspect de fonte grise.

Lorsqu’on fait passer un courant d’hydrogène sulfuré dans la solution du chlorure d‘antimoine, ou lorsqu’on l’additionne de sulfure de sodium, on obtient un précipité d‘une magnifique couleur jaune orangé, qui n'est autre chose, cependant, que du sulfure d’antimoine hydraté. En chauffant ce précipité à 200° il perd son eau ; devient noir et cristallin ; il est alors en tout semblable au sulfure naturel.

-- Vermillon ou Cinabre d’antimoine : Mais si on ajoute à du chlorure d’antimoine une solution d'hyposulfite de soude, et qu’on chauffe lentement entre 30 et 35° en remuant continuellement, jusqu'à ce qu’il ne se dépose plus rien de la liqueur, on obtient du sulfure d'antimoine anhydre qui, au lieu d'être noir est d’un rouge cramoisi d’une beauté extraordinaire. Pour lui conserver cette nuance à l'état sec, on laisse bien égoutter le précipité sur un filtre, on le lave avec de l’acide acétique très étendu. On donne à cette modification isomérique du sulfure d’antimoine le nom de Vermillon ou Cinabre d’antimoine. Fuchs a reconnu qu’en faisant refroidir brusquement ce sulfure noir fondu, il devient amorphe et rouge brun, moins dense, plus dur, et mauvais conducteur de l’électricité sans avoir pour cela changé de nature chimique ; ce sulfure rouge repasse à l'état de sulfure noir et cristallin par une chaleur de 200°.

-- Kermès : Quant au kermès des pharmacies, c’est un sulfure d'antimoine divisé, combiné ou associé à une petite quantité de sulfure alcalin et retenant, à l’état de mélange, des proportions variables d’oxyde d’antimoine. Il est d’un rouge-brun foncé et d’un aspect velouté. On l’obtient le plus habituellement en faisant bouillir pendant deux heures environ 1 partie de sulfure d’antimoine en poudre très fine avec 22 parties 1/2 de cristaux de soude dans 200 parties d’eau. La liqueur jaune filtrée laisse déposer, par un refroidissement lent, de beaux flocons veloutés de kermès. Le nom de kermès a été imposé par les alchimistes à ce composé à cause de sa couleur qui se rapproche beaucoup de celle que donne à la laine la cochenille du chêne vert nommée par les Arabes kermès, c'est-à-dire petit ver.

Antimoine : le métal 

L'antimoine est un élément chimique de la famille des pnictogènes, de symbole Sb (par abréviation du latin stibi ou stibium) et de numéro atomique 51.

Sb est présent dans des minerais de Pb, Cu, Ag. C'est souvent un sous-produit de la métallurgie du plomb.

Antimony Copyright © John Veevaert

Minerai : stibine, Sb2S3. Les minerais titrent de 40 à 60 % de Sb.

Propriétés : 

  • Symbole : Sb
  • Numéro atomique : 51
  • Masse atomique : 121.75
  • Aspect : blanc-argent
  • Etat à 20° : solide
  • Masse atomique : 121.75
  • PF : 630.74°
  • PE : 1950°
  • Densité : 6.69
  • Valences : 3, (-3), 5
  • Electronégativité : 1.9
  • Masse des principaux isotopes : 121 - 123
L'antimoine est par importance le 65ème élément constituant l'écorce terrestre ; celle-ci en contient 2.10-5 % jusqu'à une profondeur de 16 km.

Quelques minéraux :

  • l'allémontite  AsSb (avec As ou Sb)
  • la boulangérite Pb5Sb4S11
  • la cervantite  Sb+3Sb+5O4
  • la dyscrasite  Ag3Sb
  • la jamesonite FePb4Sb6S14
  • la kermésite  Sb2S2O
  • la livingstonite HgSb4O8
  • la pyrargyrite Ag3SbS3
  • la sénarmontite Sb2O3
  • la stibine ou l'antimonite Sb2S3
  • l'ullmannite  NiSbS
  • la valentinite Sb2O3
  • la wolfsbergite CuSbS2 
et bien d’autres...  On rencontre aussi l'antimoine à l'état natif.

Applications :

Elles sont très nombreuses, par exemple :

  • Pour la soudure : alliages de plomb-antimoine contenant de 14 à 20 % d'antimoine et de 2 à 5 % d'étain. L'addition d'antimoine augmente la dureté.
  • Au plomb des plaques d'accumulateurs, on ajoute 4 % d'antimoine pour augmenter la dureté et la résistance à la corrosion.
  • Pour les cartouches à plomb de chasse du plomb avec 1,5 % d'antimoine.
  • Pour les retardateurs de flamme des matières synthétiques, on utilise de l’ oxyde (Sb2O3) mais aussi de l'antimonate de sodium, de 5 à 15 % dans le PVC et 7 % dans le polystyrène.
  • Des semi-conducteurs (l'antimoniure de gallium et d'indium ; GaSb, InSb) sensibles aux IR sont utilisés dans les détecteurs à infrarouge.
  • En alliage : le métal anglais, 70 à 94 % de Sn, de 5 à 24 % de Sb, jusqu'à 5 %, de Cu et jusqu'à 9 % de Pb utilisé pour des paliers et pour la vaisselle en «  étain ».
L’antimoine est encore utilisé dans les produits suivants (exemples) :

  • bactéricide : C6H5SbCl2
  • dopage de semi-conducteurs : SbH3
  • traitement de maladies cutanées 
  • agent émétique
  • teinture du verre 
  • verre pour tubes cathodiques
  • pigment doré pour le verre ou la porcelaine : Pb3(SbO4)2
  • catalyseur
  • munitions traçantes
  • lutte contre les parasites chez les rongeurs
  • pigments de couleurs différentes suivant les composés utilisés 
  • miroirs (évaporation d'une mince couche de Sb)
  • vulcanisation 
  • feux d'artifices (rouge )
  • pierres à briquets    

Exploitation de l'antimoine

Les régions de l'exploitation de l'antimoine les plus importantes sont : Chine, Xikuangshan, Hunan (intrusions mésozoïques) 60 800 t, Russie, 10 500 t, Bolivie, 7 050 t, Afrique du Sud, 4 534 t Mexique, etc... Et en Europe dans l'ancienne Yougoslavie et en Tchéquie.

La production mondiale s'élève à environ 65.000 tonnes par an.

Réserves mondiales : 4,5 millions de t.
Répartition : Chine  : 50 % ; Afrique du Sud  : 10 % ; Bolivie  : 8 % ;   
URSS  : 6 % ;  Mexique  : 5 % 
L'antimoine est utilisé depuis très longtemps. Les gîtes d'antimoine sont dans des séries sédimentaires, au voisinage de shales noirs. La plupart des gisements d’Europe et du Québec sont de type filonien. L’antimoine occupe aussi de grandes zones de cisaillement ductile, parfois minéralisés en or (Zimbabwe). Ce sont des zones anticlinales fracturées produisant quelques milliers de tonnes (teneurs de 5 à 10% Sb).

Le dépôt se produit entre 400 et 280 °C dans des fluides de faible salinité (2-10% NaCl). L’antimoine natif témoigne de conditions très réductrices liées à la production de CH4. Les filons sont souvent entourés de chloritisation. Un moyen rapide de contrôle de la présence de stibine est l'attaque par KOH, qui colore la stibine en jaune vif.

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