La fonte des glaciers et son impact sur les ressources en eau en Asie centrale


L'évolution du débit des cours d'eau induite par le changement climatique a des implications directes sur l'approvisionnement en eau douce, l'irrigation et le potentiel hydroélectrique d'une région. Pour savoir comment évolueront les ressources d'eau en Asie centrale, zone particulièrement sensible sur le plan humain et environnemental, il est essentiel de disposer d'informations fiables au sujet de l'état actuel et futur des débits d'eau et du phénomène de glaciation. Dans le cadre du projet européen ACQWA, coordonné par l'Institut des Sciences de l'Environnement (ISE) de l'Université de Genève (UNIGE), des chercheurs de l'UNIGE, en collaboration avec des scientifiques de Suisse alémanique, d'Allemagne et de Russie, mettent en exergue les récents changements sur le climat et la glaciation dans les montagnes du Tien Shan (Asie centrale) et en expliquent les conséquences dans la revue Nature Climate Change.

Il y a vingt ans, après la chute de l'Union soviétique, la distribution d'eau en Asie centrale devient source de conflit. Dans ces régions où les précipitations estivales sont faibles, les glaciers jouent un rôle prépondérant par rapport aux quantités d'eau à disposition. La région du Tien Shan en est un exemple éloquent; les glaciers des montagnes de cette région contribuent de manière significative à l'approvisionnement en eau douce des zones arides du Kirghizistan, du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan, du Turkménistan et du nord-ouest de la Chine. A l'image de la Suisse, le Kirghizistan fait office de château d'eau pour ses pays voisins.


Bien que l'impact du changement climatique sur la glaciation et les débits d'eau dans les montagnes du Tien Shan ait déjà fait l'objet d'études, une perspective cohérente et régionale des données collectées n'avait jusqu'alors jamais été présentée. Les résultats de cette recherche, pilotée par l'UNIGE, montrent que le retrait des glaciers est plus prononcé dans les zones périphériques où les étés sont secs et où la fonte des glaces et des neiges est une source d'eau essentielle.

Des glaciers qui perdent de leur surface chaque année



Les glaciers dans les montagnes de Tien Shan couvrent une surface de plus de 15'000 kilomètres carrés, ce qui correspond à un tiers de la superficie de la Suisse. Ces dernières décennies, ces glaciers ont perdu entre 0.1% et 0.8% de leur surface par année , soit un recul comparable à celui des glaciers alpins. Le retrait le plus important a été observé en périphérie des montagnes Tien Shan, près des grandes villes d'Almaty, de Bishkek, de Tashkent et d'Ürümqi. "Durant l'été, les glaciers représentent l'unique source d'eau douce pour l'irrigation et la consommation des foyers dans ces régions", précise Annina Sorg, première auteure de cette étude et chercheuse à l'ISE de l'UNIGE et à l'Institut de Géologie de l'Université de Berne. "L'intensification de la fonte des glaciers affecte fortement la quantité et la répartition saisonnière de l'eau. Dans un premier temps, le retrait des glaciers va augmenter les ressources en eau disponibles, mais à terme la réduction du volume des glaciers entraînera une diminution de la quantité d'eau disponible si les précipitations ne viennent pas compenser les pertes liées au recul des glaciers."

Les prévisions à long-terme



Les scénarios imaginés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prévoient une augmentation des précipitations hivernales en Asie centrale de 4% à 8% d'ici à 2050. Les précipitations estivales, en revanche, diminueront de 4% à 7%, ce qui accentuera la sécheresse pendant l'été, d'autant que, selon les estimations, les températures pourraient augmenter de près de 4°C dans les quarante prochaines années.


Selon les prévisions, les glaciers des montagnes du Tien Shan vont continuer à perdre de leur surface et de leur volume dans les prochaines décennies.


En résumé, certaines cours d'eau de l'Asie centrale passeraient d'un régime hydrologique glacio-nival à un régime pluvio-nival, ce qui accentuerait l'incertitude autour des variations interannuelles des niveaux d'eau, puisque ceux-ci dépendraient en majorité des précipitations. Aux conséquences écologiques parfois désastreuses s'ajouteraient alors des tensions économiques et politiques dans cette région du globe.

Le projet ACQWA



ACQWA (Assessing Climate Impacts on the Quantity and quality of WAter, 2008-2013) est un projet de la Commission européenne dont le but est d'examiner les changements des ressources en eau, induits par le réchauffement climatique, dans des régions montagneuses comme les Alpes, les Andes ou le Tien Shan. Coordonné par le professeur Martin Beniston et son équipe à l'UNIGE, ACQWA regroupe 35 équipes de recherche en Europe, en Asie centrale et en Amérique du Sud .


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