interview avec le président de l'association marocaine des sciences de la terre AMST


Abdellah Mouttaqi, président de l’Association Marocaine des Sciences de la Terre 


L’intervention des sciences de la terre reste limitée à l’enseignement de la recherche scientifique et à l’exploration et la valorisation minière et pétrolière.
Pour les grands chantiers d’infrastructures, l’utilisation des sciences de la terre devrait être systématisée, notamment en amont pour servir de soubassement aux analyses géotechniques.

Abdellah Mouttaqi, président de l’Association Marocaine des Sciences de la Terre, détaille les actions phares retenues lors de la conférence-débat, en vue d’une implication efficiente des sciences de la terre dans le développement des régions.
- Finances News Hebdo : Est-ce qu’on peut dire qu’actuellement le recours aux sciences de la Terre reste limité au Maroc, notamment dans les grands chantiers d’infrastructures ?
- Abdellah Mouttaqi : Le constat que nous pouvons faire aujourd’hui est que l’intervention des sciences de la Terre reste limitée à deux domaines que je pourrais qualifier de traditionnels : d’une part, celui de l’enseignement et de la recherche scientifique et, d’autre part, celui de l’exploration et de la valorisation minière et pétrolière. Nous travaillons au niveau de notre association pour que les sciences de la Terre s’ouvrent davantage sur la société et couvrent d’autres champs de développement comme l’aménagement du territoire, la question de l’eau sous-terraine, le géotourisme et les problématiques des sols, l’environnement et des risques naturels voire celui de la géologie médicale. Pour les grands chantiers d’infrastructures, je propose que l’utilisation des sciences de la Terre soit systématisée, notamment en amont pour servir de soubassement aux analyses géotechniques. En effet, si ces dernières se basent sur les paramètres physiques des terrains, les sciences de la Terre vont, quant à elles, permettre d’avoir une vision plus large sur le dimensionnement en amont du projet, car elles vont préciser la structure globale du site, avec ses lithologies, ses zones de faiblesse (fractures, failles…), ses plissements ainsi que les relations géométriques entre les différents corps géologiques identifiés. La compréhension de la structuration géologique permettra donc de s’assurer de la qualité du site et de ses faiblesses et, en filigrane, de mieux paramétrer l’agencement des travaux. Nous préconisons donc la réalisation d’une étude géologique détaillée avant le lancement de tout projet d’infrastructure afin de quantifier le risque géologique aussi bien lors du déroulement des travaux que durant la vie de l’ouvrage.
- F. N .H. : Comment les géologues peuvent-il agir sur les politiques et les stratégies de développement de la région?
- A. M. : Le modèle que nous proposons pour agir sur les stratégies de développement de la région  se base sur la combinaison de deux approches ; d’abord, selon une approche participative avec tous les départements et les intervenants dans la gestion de la chose régionale et, ensuite, sur le croisement entre les différents champs d’intervention du géologue et les spécificités de chaque région comme son contexte géologique, ses ressources naturelles et ses besoins en termes d’infrastructures. Je souligne que selon cette approche, le métier de géologue est pris dans sa dimension la plus large et qui couvre, certes à des degrés différents, des thématiques variées comme la recherche minière et pétrolière, la qualité de l’eau sous-terraine, l’environnement, le géotourisme, la géothermie, les risques naturels, l’aménagement du territoire et la géologie médicale.
Dans ce volet, notre objectif, comme il a été adopté lors des travaux de notre conférence-débat, peut se décliner en trois actions :
• réussir à intégrer la reconnaissance géologique comme composante de base pour le développement régional et affecter un géologue pour superviser et optimiser la réalisation des projets ;
• élaborer pour chaque région une matrice basée à la fois sur ses spécificités thématiques et sur les différentes facettes du métier du géologue ;
• présenter cette matrice au niveau des régions pour choix et validation des axes de développement.
- F. N .H. : Aujourd’hui, quelles sont les potentialités minières par région que seuls les géologues peuvent mettre à contribution ?
- A. M. : La recherche minière constitue un champ d’activité traditionnel pour les géologues ; les travaux  démarrent par la reconnaissance générale pour aboutir, si les résultats sont concluants, à une estimation des réserves qui pourrait passer à une mise en exploitation si l’étude de faisabilité confirme la rentabilité économique du projet.
Le Maroc se caractérise par une géologie très diversifiée et très productive ; c’est un pays à longue tradition minière avec certaines découvertes qui remontent au Moyen-âge. Les travaux d’exploration menés depuis le début du siècle dernier ont permis de mettre en évidence de nombreuses concentrations de substances très variées de métaux précieux, de métaux de base et substances énergétiques et de roches et minéraux industriels. La présence de telle ou telle substance ainsi que les types de gisements sont fonction du contexte et de l’histoire géologiques. Les potentialités minières pour chaque région sont synthétisées ci-dessous ; seules les substances en exploitation sont données en italique alors que les autres, elles, font l’objet de travaux de recherche et/ou de développement :
• Oued Eddahab- Lagouira : Zr, Si, Nb, Ta, Terres rares, Fe, U, Mo.
• Laayoune-Boujdour – Sakia El Hamra: Phosphates, Fe ; argiles, sel, schistes bitumineux.
• Guelmim Es- Smara : Au, Ag, Pb, Zn, Cu, Zr, Ti, U, Fe, argiles, feldspaths.
• Gharb-Chrarda-Beni Hssen : sel, argiles.
• Chaouia-Ouardigha : Phosphates, potasse, sel, argiles, Fe, schistes bitumineux
• Marrakech – Tansift – El Haouz : S, Ag, Pb, Zn, Au, Cu, talc, barytine, U, W, Mo, phosphates, graphite, andalousite, wollastonite, argiles, cipolin, sel.
• Souss – Massa- Daraa : Au, Ag, Pb, Zn, Au, Cu, talc, barytine, U, Mo, argiles, cipolin, marbre, oligiste, Fe, Co, Mn, feldspaths, schistes bitumineux.
• Oriental : Mn, Cu, barytine, Au, Zn, Pb, W, Fe, Cu, fluorine, dolomies industrielles, argiles réfractaires, charbon, bentonites, diatomite, perlite.
• Rabat-Salé-Zemmour – Zaer : Sn, fluorine, Sb, W, potasse, feldspaths, kaolin, micas, dolomies industrielles.
• Doukkala – Abda : barytine, Pb, Zn, Cu, Gypse, sel.
• Tadla Azilal : Pb, Zn, Ni, Cu, barytine.
• Meknès-Tafilalt : Sn, Au, Pb, Ag, Zn, fluorine, Fe, barytine, Sb, diatomite, TR, U, polymétallique.
• Fès – Boulmane : Zn, Pb, lignite, calcite, schistes bitumineux.
• Taza-Al Hoceima-Taounate : Zn, Pb, Sb, Au, argiles fibreuses, sel, barytine.
• Tanger – Tétouan : Zn, Pb, Sb, magnésite, sables siliceux, sel, schistes bitumineux.
Il est important de souligner qu’en raison de la longue tradition minière de notre pays, la majorité des indices affleurant ont été découverts ; l’exploration minière se trouve donc confrontée au défi de la recherche de gisements cachés et de plus en plus profonds, ce qui nécessite l’utilisation de géotechnologies de plus en plus sophistiquées.
- F. N .H. : Dans cette nouvelle ambition de positionnement, quel rôle peut jouer l’AMST ?
- A. M. : L'AMST a été créée suite à la volonté de chercheurs géologues désireux de disposer d’un espace d’échange pour la promotion des sciences de la Terre et de leurs techniques. Dans cette nouvelle ambition de positionnement, l’AMST va agir sur plusieurs niveaux sans cependant se substituer aux instances institutionnelles; d’abord elle va continuer œuvrer pour que les sciences de la Terre s’ouvrent davantage sur la société, ensuite pour contribuer à la valorisation du métier du géologue en élargissant de manière factuelle son champ d’activité, au-delà des secteurs traditionnels (mines-hydrocarbures et enseignement) et enfin jouer le rôle d’interface avec toutes les parties prenantes dans la gestion de la chose régionale, afin de permettre aux sciences de la Terre de jouer pleinement leur rôle dans le développement régional.
- F. N .H. : Est-ce que la formation suit ce développement dans la conception et de positionnement du métier ?
- A. M. : De manière générale, dans le domaine des sciences de la Terre, nos universités, écoles et instituts dispensent des formations d’un bon niveau et nos chercheurs sont reconnus à l’échelle internationale par la qualité et la pertinence de leurs travaux de recherche et le niveau élevé de leurs publications. Cependant, tenant compte de cette nouvelle ambition de repositionner les sciences de la Terre comme vecteur du développement régional, je pense que même s’il faut continuer à soutenir les formations de base pour accéder à une donnée de qualité qu’il faudrait par la suite traiter en utilisant des techniques performantes, notre pays y gagnerait si on adopte une nouvelle vision qui élargit davantage le référentiel de formation en couvrant toutes les facettes du métier de géologue dans sa définition plurielle et en impliquant les acteurs économiques pour intégrer des spécialités touchant au développement régional et introduire quelques modules de base sur la région, ses spécificités, sa stratégie de développement, sa géologie, ses ressources naturelles, son potentiel, ses projets, ses besoins, etc. Je suis également convaincu que dans ce modèle de formation, le partenariat public- privé aura un rôle très important à jouer et que la mutualisation des systèmes experts, qui seront ainsi développés, va permettre une implication efficiente des sciences de la Terre dans le développement des régions.

Commentaires

  1. Cher Si Abdellah Mouttaqi, Président de l’Association Marocaine des Sciences de la Terre,

    C'est avec un grand plaisir de trouver dans votre interview du 20/07/12 avec FNH une feuille de route pour "ingénierier", si je peux dire, la géologie ou les Sciences de la Terre ou la géoscience.

    Il se trouve, lors de mon premier stage de formation d'élève ingénieur en 1983 à la BRGM,j'ai connaissance "intellectuellement" parlant avec LA GEOTHERMIE; et, depuis l'époque, et pas moins de trente ans, je pensais toujours aux différentes techniques possibles afin d'optimiser l'exploitation de cette Ressources Énergétique Inépuisable, Écologique, Universelle et à Atouts de Développement Durable".

    Mais, actuellement, je suis convaincu que ce qui est préalable, c'est de figer préalablement, les contextes morphologique,topographique, géologique, géophysique, géochimique, hydrogéologique avant de se hasarder à sonder ou forer avec des risques non moins importants.

    Et, une fois qu'on les travaux de reconnaissance sont "très concluants" et que la Maîtrise d'Ouvrage décide de réaliser un projet géothermique (une installation TBE ou BE pour le chauffage, la climatisation et la régulation des températures ou ME ou PF pour la production d’électricité, il y a intérêt à compléter l'encyclopédie "naturelle" ci-dessus par l'hydrologie, la climatologie et la géotechnique et ce, avant de construire le système d'exploitation en question; bien entendu un plan d'actions, un business plan et un cashflow également à figer préalablement. Et, comme vous le constatez, la présence du géologue à toutes les phases des études du projet est permanente qu'il soit ingénieur ou chercheur; peut être les deux, le chercheur c'est contextualiser le projet et l'ingénieur pour le calculer, le modéliser et accompagner sa réalisation et son auscultation pendant l'exploitation.

    Maintenant, je tiens à saisir cette occasion pour vous inviter à parrainer une certaine alliance effective entre "l'ingénieur géologue" et "le chercheur géologue" dont les compétences respectives sont nécessaires pour la réussite du projet de géothermie et rendre les approches académiques applicables dans les domaine des Services, d'Industries & BTP.

    Certes, et d'après votre, caractère de modestie, et votre ""idéologie" collaborative, très distinguée, vous avez un souci permanent pour dépasser ce stade de conflits intellectuels et élargir l'espace de l'AMST aux ingénieurs géologues, géophysiciens, géochimistes, hydrogéologues, géotechniciens......géo......etc.

    Enfin, je vous souhaite un avenir "déversé" de succès dans votre démarche de management.

    EL BOUAZOULI Abderrahim
    Ingénieur de Construction
    Formateur du Management & l'OPC des Projets de Construction
    Formateur du Management Immobilier
    Responsable R&D à la Direction de la Recherche de l'EHTP
    Doctorant en GÉOTHERMIE au Laboratoire GEOSCIENCES
    de la Faculté AIN CHOCK de l’UNIVERSITE HASSAN II
    ECOLE HASSANIA DES TRAVAUX PUBLICS
    (M) 06 61 30 39 24
    Courriel :abdelbouazouli@gmail.com

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