Une nouvelle étude affirme que le changement climatique n’a pas causé l’extinction de l’Homme de Néandertal et qu’en conséquence, le coupable serait Homo sapiens, autrement dit notre ancêtre direct. De quoi mettre un terme à un très vieux débat ? Pas si sûr…
Depuis 150 ans, les rumeurs auront circulé sur son dos. L’Homme de Néandertal, au physique dérangeant, a pendant longtemps été perçu comme un ancêtre fruste, violent et surtout stupide. Des conclusions qui s’apparentaient plus au délit de faciès qu’aux éléments probants issus d’une investigation poussée.
Lorsque de vraies recherches ont été entreprises, l’image de ce gaillard a progressivement changé dans l’opinion scientifique. Cette brute épaisse se révélait intelligente, maîtrisant bien mieux que prévu la conception d’outils et la parole.
Alors comment cet être si proche de nous (à tel point que nous aurions pu mélanger nos gènes) a pu disparaître de la surface de la Terre il y a 30.000 ans ? Les théories s’affrontent. Des changements climatiques auxquels il n’aurait pas réussi à s’adapter ? Une compétition perdue contre Homo sapiens, notre ancêtre, mieux outillé et armé ? Et pourquoi pas un mélange des deux ? Une étude parue dans Pnas prétend apporter des réponses à ce vieux débat.
Les dépôts de cryptotephras feront foi
Il a été établi qu’une terrible éruption volcanique frappait la région de Naples (Italie) il y a 40.000 ans. Celle-ci fut si violente que les cendres et autres particules ont recouvert une partie du territoire d’Europe centrale et orientale et entraîné un refroidissement global de la température. Un travail publié fin mai précise même que ce volcanisme avait été deux à trois fois plus intense qu’estimé dans un premier temps. Un « hiver volcanique » en a découlé, abaissant globalement la température de tout l’hémisphère nord de 2 °C sur 3 ans.
Cette époque coïncide également avec l’arrivée des premiers Homo sapiens en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient. Si on parvient à établir le timing précis du début de la disparition des Néandertaliens par rapport à ces événements, on pourra en trouver la cause.
Pour ce faire, une quarantaine de chercheurs européens, dirigés par John Lowe de l’University of London, ont eu recours à une technique novatrice pour attester de la présence de chaque cousin à telle époque. Alors que les précédentes études étaient centrées sur les cendres volcaniques, les scientifiques ont ici focalisé leur attention sur un élément en particulier, les dépôts de cryptotephras, des particules de verre volcanique invisibles à l’œil nu. Du fait de leur légèreté, elles se répandent sur un territoire plus large que les éléments regardés jusque-là.
À partir d’échantillons d’outils typiques des 2 groupes humains récupérés dans 4 grottes préhistoriques, les traces de cryptotephras caractéristiques de cette éruption volcanique ont été traquées. En parallèle, des particules retrouvées sur un site humain libyen, dans des marécages grecs ou dans la mer Égée, ont été rassemblées pour établir le lien de cause à effet entre le volcanisme et le refroidissement climatique.
Néandertal déjà disparu et remplacé par Homo sapiens
L’analyse de ces éléments est formelle : les Néandertaliens avaient déjà disparu d’Europe centrale et probablement d’Europe de l’Est au moment du rejet des cendres dans l’atmosphère, les 4 sites préhistoriques étant à l’époque colonisés par Homo sapiens. L’analyse des sédiments et des pollens d’arbres atteste aussi de la chronologie des événements : l’éruption napolitaine a bien précédé le dérèglement climatique. Leur conclusion ? L’Homme de Néandertal avait disparu avant le cataclysme et le refroidissement de ces contrées. Le seul coupable de son extinction ne peut être que ces Hommes modernes venus d’Afrique.
Cette vieille discorde est-elle ainsi définitivement réglée ? Il semble que non. Car l’Homme de Néandertal a disparu 10.000 ans plus tard de la péninsule Ibérique, son dernier bastion, et cette étude ne dispose pas des éléments pour justifier d’une action d’Homo sapiens sur son très proche cousin dans cette région du monde, les cryptotephras n’étant pas retrouvés aussi loin à l’ouest. Et si, dans ce cas précis, c’est le froid qui avait eu raison d’eux ?
Les partisans de la théorie climatique restent sceptiques devant cette démonstration qui n’apporte pas tous les éléments suffisants, comme le déclare Clive Finlayson, du Gibraltar Museum, dans les colonnes de la revue Science : « Nous ne pouvons que conclure de cette étude que l’éruption et le changement climatique consécutifs n’ont eu aucun effet sur les Néandertaliens qui avaient déjà disparu. Prétendre que ces résultats laissent penser que d’autres facteurs sont à l’origine de l’extinction de Néandertal […] n’a aucun sens ». Il faudra donc se montrer plus convaincant pour faire l’unanimité dans la communauté scientifique.
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